Numéro thématique- Septembre 2022
L’accompagnement en orientation, en formation et en insertion professionnelle des personnes en situation de handicap(s) – 2
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Karl JASPERS (1989) est sans doute l’un des tous premiers penseurs européens à avoir eu l’idée d’un traité de métaphysique portant explicitement l’idée de « Sciences de l’orientation dans le monde ». Articulant problématicité et historicité, le philosophe fait de la question de l’orientation dans le monde, le principe de la liberté existentielle confronté aux nécessités de la vie et à la transcendance.
L’acte 1, des « Sciences de l’orientation » engagées dans le processus de mondialisation des années 2015-2035 consisterait à recenser pays par pays, l’état de l’art d’une grande question d’éducation qui concerne l’avenir de la jeunesse, dans les rapports formation-emploi (et vice-versa) mais pas seulement.
Les Editions L’Harmattan (Paris) ont été pionnières dans un travail de prospection de l’orientation dans le monde. Dès 1988, l’ouvrage de Maniez et Pernin, et alii, voyait dans le Conseiller d’orientation, un métier moderne. Par la suite H. Eckert (1993) a réalisé une comparaison Allemagne-France sur l’orientation professionnelle. Vingt ans plus tard, R. Okene (2013) s’est intéressé à l’orientation des jeunes en Afrique. L’histoire s’accélère en ce domaine, puisque P. Wenda T. Tshilumba (2014) publie un guide pratique sur L’orientation scolaire et professionnelle en RD du Congo. P. Bringuier, P, (2015) observe Des jeunes qui se cherchent. Un conseiller d’orientation témoigne. J. Bouda (2016) étudie La fonction du conseiller d’orientation scolaire au Cameroun. G. Gaglio, M. Kaddouri et F. Osty (2017) ont analysé des Trajectoires professionnelles, Trajectoires de vie-entre engagement et réflexivité. Enfin dans la suite du colloque international de Cerisy-la-Salle (08/15), nous venons de publier S’orienter dans un monde en mouvement avec des contributions qui mettent l’accent sur la dynamique internationale de l’orientation à tout âge, tant que du point de vue de l’UNESCO que de pays comme Haïti ou le Québec.
Le travail de D.B. Ngeleka, expert en éducation sur la problématique de l’Afrique centrale, confrontée aux enjeux de la globalisation et du développement durable, que nous venons de postfacer, a pour titre : Orientation et Bonne gouvernance à l’ESU en RD Congo [Editions universitaires européennes].
Ce chercheur particulièrement attentif à la situation congolaise, se situe dans une perspective de développement des ressources humaines. L’orientation concerne les droits humains, c’est-à-dire la liberté de choix dans les études, l’obtention d’une qualification et la possibilité d’avoir un travail, c’est-à-dire d’occuper une place dans la société en fonction de ses talents et de son mérite.
Dans le prolongement de l’éducation familiale, l’action d’un personnel spécialisé d’orientation scolaire et professionnelle est l’affaire de l’enseignement primaire, secondaire, professionnel, universitaire et de recherche.
Les centres inter institutionnels de bilans de compétences sont des leviers d’action indispensables pour accompagner les évolutions professionnelles dans la carrière (approche carriérologique).
L’auteur ne réduit pas l’orientation au domaine scolaire et professionnelle puisqu’il envisage l’orientation des adultes dans l’entreprise, élargissant les propos à la gestion des ressources humaines tout au long de la vie. Soulignant à juste titre, le processus d’internationalisation de l’orientation, D. B. Ngeleka prend appui sur les politiques publiques pour développer une approche comparative (Argentine, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Danemark, Royaume-Uni, Union Européenne et Etats-Unis) centrée sur les compétences.
Faut-il s’inquiéter d’une « fuite des cerveaux », c’est-à-dire d’un exode des compétences qui priverait certains pays des ressources immatérielles nécessaires à leur développement ? L’auteur conclut son argumentaire par un questionnement sur la « Bonne Gouvernance » prenant en compte en particulier, les droits des femmes et des personnes vulnérables dans un État de droit. On le voit, l’orientation est bien plus qu’une technique, dans la mesure où elle concerne des droits économiques, sociaux et culturels liés à une conception de l’être humain dans son rapport à l’environnement géographique et social. La qualité du conseil en orientation génère une plus-value éducative dont les retombées doivent être positives pour l’individu et la collectivité à laquelle il ou elle appartient.
Tout le monde devrait avoir intérêt à encourager des initiatives en faveur d’une orientation positive et inclusive liée à une culture de paix, d’égalité des sexes et de respect des valeurs africaines centrées sur le développement du potentiel humain.
L’orientation est portée par une exigence spirituelle, comme semble le signifier l’auteur à l’adresse de ses « Enfants et Petits-enfants » et comporte un horizon d’universalité, exprimé dans le propos conclusif de l’ouvrage. C’est la raison pour laquelle nous pensons que s’intéresser à l’orientation des personnes et des groupes humains est une tâche exaltante pour l’avenir de l’humanité.
Francis Danvers février 2018
Danielle FERRE – Jean-Marie QUIESSE
Résumé
Pour se construire dans une époque où le changement est la réalité vécue, le sujet doit pouvoir bénéficier en permanence d’accompagnements et de conditions d’apprentissage accordés à son besoin d’orientation et d’emploi. Lorsque ce qui importe c’est de savoir devenir, alors apprendre et s’orienter tout au long de la vie sont posés comme des valeurs de cohésion sociale et de réalisation personnelle. Apprenance et approche orientante sont les moteurs de cette nouvelle donne. Ces concepts ont en commun l’utilisation de méthodes actives, coopératives et mobilisatrices qui créent des cadres d’analyse pour des expériences authentiques autour de projets orientants, chacune et chacun étant mis en situation de développer son sentiment d’efficacité personnelle, fondement de l’agentivité humaine (human agency[1]) et de développer les compétences esssentielles à la mobilisation des ressources utiles dans un cadre décisionnel. Ces notions obligent à reconsidérer les notions consécutives de formation initiale et continue.
Mots clefs
Projet orientant – apprenance – approche orientante -sentiment d’efficacité personnelle – agentivité humaine – se construire – savoir devenir – accompagnement.
Abstract.
To build oneself in a time where change becomes a day to day’s reality, the educated person must be able to profit permanently from accompaniments and conditions of training that correspond to his need for orientation and employment. When knowing how to develop oneself, how to learn and to be directed throughout the life are considered as values for social cohesion and personal realization, self-learning and orientation approaches become a central motive.
These approaches have in common the use of active methods, the use of cooperative and mobilizing actions which create a framework for authentic experiences around orienting projects that help the person to develop one’s sense of personal effectiveness which constitutes the foundation of human action. For this, we need to reconsider the concepts of initial and continuous professional education and training.
Keywords
Orienting projects; self-learning ; orientation approach ; personal self-efficacy beliefs ;human agency – self-building ; becoming ; accompaniments.
Le diplôme, même s’il est régulièrement critiqué, les acquis de l’expérience et l’accès à des réseaux (familiaux, économiques, sociaux…) fournissent de nos jours les critères principaux de la hiérarchisation professionnelle mais aussi sociale. Dans ce contexte chacun est sollicité pour construire son parcours de vie en même temps qu’il construit ses apprentissages. La formation nourrit l’orientation. Mais c’est l’accès à la « formation utile » en fonction de ses intentions d’orientation qui permet à chaque personne de se réaliser de façon pertinente dans un univers de « travail flottant » (Sennet, 2006). C’est alors au « milieu » (école, entreprise) qu’il appartient dans le moment présent de créer les repères structurants nécessaires, faciliter l’accès aux ressources pertinentes, développer les compétences informationnelles et décisionnelles. Etroitement liés par l’histoire moderne, apprendre et s’orienter semblent émerger comme des axes forts de la société, comme des valeurs permettant la réalisation personnelle mais aussi comme des moyens d’assurer une cohérence sociale.
La démarche orientante consiste pour le « milieu » à s’organiser pour offrir aux personnes des situations formatrices permettant d’entreprendre et de mener à terme des projets orientés vers la connaissance de soi et l’inclusion dans la société. Fondée sur l’autonomie de l’apprenant, cette démarche utilise la souplesse des réseaux numériques, fait exploiter activement les bases de données, met en œuvre les réseaux sémantiques et les cartes conceptuelles, donne à vivre des expériences réelles et des échanges à travers lesquelles la personne construit son sentiment d’efficacité personnelle et développe les compétences utiles à la mobilisation des ressources décisionnelles. Dans une approche orientante, l’apprenant est actif, entrepreneur de la construction de connaissances vivantes. La formation s’élabore en fonction du besoin et enrichit un projet personnel de développement.
Dans une première partie, nous décrirons des éléments de contexte. Puis nous définirons les concepts d’apprenance et d’approche orientante (2). Nous montrerons ensuite que ces concepts ont des bases communes (3). La quatrième partie indiquera des modalités d’action en formation initiale où il a été montré que les principes de l’approche orientante produisaient les effets attendus.
« Notre société d’aujourd’hui ressemble davantage aux paysages en mouvement qu’à un château de pierre » et il s’agit bien d’un nouveau paradigme, une conception explicative largement partagée (Touraine, 2005). Dans cette société fragmentée navigue l’ homme numérique. Vers quel port ? Sujet auto-créateur, placé au centre de réseaux de communication il apparaît que c’est en effet désormais davantage l’individu, quelque soit son origine et son niveau, centre d’appropriation de l’information mais aussi centre de décision (Quiesse-Ferré-Rufino, 2008), qui projette son devenir et non plus la seule société.
Le soin d’influencer ou de piloter les destins collectifs est aujourd’hui le fait des « manipulateurs de symboles » (Rifkins, 2005) dont une des caractéristiques repose dans leur très haut niveau de technicité, mais aussi de formation faisant appel à de nombreuses formes de l’intelligence (Gardner, 1996)[2]. Le diplôme, même s’il est régulièrement critiqué, les acquis de l’expérience et l’accès à des réseaux socio-constructivistes deviennent les critères principaux de la hiérarchisation professionnelle mais aussi sociale, « la socioconstruction du monde nous éloigne radicalement des systèmes retardataires centrés sur la technologie… pour nous associer aux pédagogies actives et transdisciplinaires » (Harvey, Lemire, 2001, 103). Les innovations auxquelles participent ces personnes modifient les techniques, les habitudes, les organisations et les représentations construites dans la période post-moderne. La décomposition des structures et repères sociaux s’accompagne de déperditions du sens. Le sujet s’y affirme en luttant contre ce qui l’aliène et l’empêche d’agir en fonction de la construction de lui-même (Touraine 2005). Et pour se construire il doit pouvoir accéder à une formation en accord avec son besoin d’orientation mais aussi qui le prolonge : « cette apprenance est devenue essentielle dans une société ouverte qui réélabore en permanence ses savoirs, réorganise ses champs de connaissance » (Boutinet, 2006).
Avec la « stratégie de Lisbonne » (2000), le savoir devient force motrice du développement personnel et professionnel. Le 21 novembre 2008 le Conseil européen adopte une résolution. Celle-ci affirme « la définition de l’orientation en tant qu’un processus continu qui permet aux citoyens, à tout âge et tout au long de leur vie, de déterminer leurs capacités, leurs compétences et leurs intérêts, de prendre des décisions en matière d’éducation, de formation et d’emploi et de gérer leurs parcours de vie personnelle dans l’éducation et la formation, au travail et dans d’autres cadres où il est possible d’acquérir et d’utiliser ces capacités et compétences. »[3]
Chaque époque a son modèle et chaque personne est à son époque. Nous sommes sur des changements où chacun veut se réaliser avec ses identités possibles, « La réalité n’est pas seulement changeante, mais le changement est notre réalité. » (Pelletier, 2006). Le changement n’est plus un processus délibérément choisi mais un état permanent, une valeur en soi (Sennet, 2006). Ceci modèle de nouveaux comportements humains et des attentes. Etroitement liés par l’histoire moderne, apprendre et s’orienter semblent émerger comme des axes forts de la société, posés comme des valeurs mais aussi conçus, mariés à l’expérience, comme des moyens[4] d’assurer une cohérence sociale mais aussi la réalisation personnelle. Mais cette reconfiguration ne peut se faire au détriment du « vivre ensemble » qui lui-même ne peut reposer sur un système d’élimination.
Au regard des nouvelles exigences de la modernité il convenait auparavant de se soucier du devenir de l’enfant. Aujourd’hui, il s’agit bien d’une prise en charge de la vie adulte à travers différents dispositifs de formation et d’accompagnement. La préoccupation d’orientation ne se confine plus à la jeunesse mais à tous les âges de la vie. « La nécessité de disposer en permanence d’une pluralité de repères à questionner et à relativiser, quels que soient les âges de la vie, définit en conséquence ce que l’on peut appeler ici l’approche orientante » (Boutinet, 2006). Il convient de créer dès l’école des repères structurants au prix d’un investissement dans le moment présent. Plus de la moitié des jeunes de trente ans travaillent dans un secteur très éloigné de celui qu’ils avaient préparé dans leurs études[5]. L’étudiant de 1970 se posait la question du métier, celui des années 2000, pense « employabilité » (Carré, 2005), et bientôt il pensera « orientabilité » (Quiesse-Ferré-Rufino). Enfin, il ne faut pas compter s’appuyer sur des compétences préalables lorsqu’il s’agit d’orientation adulte à moins que les salariés n’aient acquis par expérience et formation préalable les moyens de les transférer. Dans un tel contexte on construit son parcours de vie en même temps que l’on construit ses apprentissages.
L’orientation rejoint la formation et l’éducation, pensées comme des apprentissages « tout au long de la vie ». Il convient donc de conjuguer approche orientante et apprenance à travers le développement de la capacité continuellement offerte à rebondir par une recomposition dynamique des trajets de vie. « Le savoir devenir devient l’impératif premier, ce savoir devenir qui cherche à intégrer les composantes dégagées par une expérience interminable d’orientation, permettant sans cesse de mettre en face à face le hasard de la conjoncture avec ses contraintes et ses opportunités, les évènements, les aléas des décisions prises, les expériences passées à recapitaliser, enfin les autres dans la diversité de leurs visages aussi bien ressources que confrontants» (Boutinet, 2006).
Face à ces enjeux sociaux, économiques et pédagogiques, les cadres de pensée sur la formation comme ceux sur l’orientation, hérités du modèle industriel et construits sur le scénario de la transmission, ne tiennent plus. Les priorités s’inversent : l’orienteur cède le pas à la personne qui s’oriente, l’enseignement cède le pas à l’apprentissage, le formateur à l’apprenant. Deux nouvelles attitudes apparaissent : l’apprenance[6] et l’approche orientante. C’est la notion de mobilisation de ressources à travers le projet personnel qui les relie.
Selon Philippe Carré (2006) « l’apprenance décrit un ensemble stable de dispositions affectives, cognitives et conatives[7] favorables à l’acte d’apprendre, dans toutes les situations formelles ou informelles, de façon expérientielle ou didactique, autodirigée ou non, intentionnelle ou fortuite », « …sur le plan affectif, elle indique que l’idée d’apprendre sera a priori vécue sur un mode positif, en tant que source possible de plaisir, d’émotions, d’affects, de sentiments agréables », « …sur le plan cognitif, l’apprenance suppose que les représentations de l’acte d’apprendre émises par le sujet seront propices au déploiement de modes efficaces de traitement de l’information (attention, concentration, stratégies cognitives, métacognition…) », « … sur le plan conatif, l’idée d’apprenance véhicule celle d’un rapport intentionnel, proactif, au fait d’apprendre… Le terme… traduit le choix et orientations des conduites. C’est le registre par excellence du projet ((Boutinet), de la motivation, l’engagement dans l’action» .En 2000, il disait déjà : « …A travers la formule du sujet apprenant se croisent à la fois les apports du raz-de-marée cognitiviste en psychologie, les héritages bien vivaces de l’éducation nouvelle et des pédagogies de l’activité, les influences contradictoires de l’inspiration autogestionnaire et de la pensée libérale».
Ces affirmations peuvent-elles s’appliquer aussi à la formation initiale ?
Précurseur, J.Dewey, aux Etats-Unis dès 1897, prône l’expérience comme manière d’apprendre. Pour Vygotski, L. (1934) et Bruner J. (1997) : l’enfant participe à la construction de son intelligence en interaction avec l’environnement. La construction d’un savoir, bien que personnelle, s’effectue dans un cadre social. L’acte d’apprendre est une interprétation d’une expérience, d’un langage ou d’un phénomène saisi dans leur contexte. L’activité personnelle de l’élève lui permet, à travers la situation proposée, de donner sens aux apprentissages. L’erreur constitue une condition essentielle pour apprendre. L’apprentissage consiste en une reconfiguration des représentations de l’élève. L’entrée dans l’apprentissage passe par la confrontation à une situation complexe qui lui donne sens. C’est la confrontation et la résolution de problèmes de plus en plus complexes qui permet à un apprenant de structurer ses apprentissages. La métacognition (ou retour sur expérience) est la condition pour une personne d’intégrer ses connaissances. C’est en effet une compétence à se poser des questions pour se planifier, s’évaluer constamment avant, pendant et après une tâche pour se réajuster au besoin. H.Gardner (1996) avec les « intelligences multiples » légitime les pédagogies différenciées, fondées sur l’activité de l’élève : « Fondamentalement, je considère l’intelligence comme un potentiel biopsychologique. C’est à dire que chaque membre de l’espèce a la potentialité d’exercer l’éventail des facultés intellectuelles propres à l’espèce » (p 55).
Selon ces auteurs, avec certes des variantes, deux tâches principales incombent au maître, ou à l’équipe éducative : proposer à l’élève des tâches authentiques dans des contextes réalistes, pour lui donner la possibilité de développer toutes ses intelligences et de construire son savoir et ses compétences en interaction avec ses pairs. Le maître s’attache aussi à offrir un « environnement déterminant » pour que l’élève se trouve le plus souvent possible en capacité d’agir en créant ses propres situations d’apprentissage. Car l’acte d’apprendre est aussi un acte volontaire qui s’inscrit dans le cadre du projet personnel ou dans celui du pédagogue.
En formation initiale comme en formation continue s’impose peu à peu la nécessité de l’individualisation des parcours comme des apprentissages.
C’est l’association « apprendre et s’orienter », qui en mai 2005, à Montpellier, lors du congrès international « L’approche orientante : des changements pour l’école et l’entreprise», initialise en Europe la réflexion sur l’approche orientante en formation initiale, en formation continue et dans les entreprises[8]. Mais qu’est-ce que l’Approche orientante ?
Il s’agit d’une approche systémique qui permet au jeune ou à l’adulte accompagné, de construire son projet de vie (personnel, professionnel et citoyen) à travers des situations authentiques, en même temps qu’il construit ses apprentissages. L’apprenant se voit offrir des situations d’apprentissage permettant d’entreprendre et de mener à terme des projets orientés vers la connaissance de soi et l’inclusion dans la société. Elle se traduit sous forme de compétences c’est-à-dire sous un ensemble de capacités, d’habiletés et de connaissances qui doivent être utilisées efficacement dans un contexte réel (Ferré, 2005). Mobilisant aussi bien les habiletés intellectuelles et pratiques que les compétences émotionnelles, des apprenants comme des éducateurs, l’approche orientante fait de la compétence à s’orienter la clé de voûte des apprentissages. Elle permet d’identifier des éléments significatifs quant à ses démarches d’exploration de soi et de son milieu.
La perspective de l’approche orientante consiste non à « choisir parmi des filières » ou des métiers, mais à se poser la question d’un mode de vie, d’un environnement géographique, et humain : avec qui ai-je envie de vivre, selon quel rythme, est-ce que cela donne sens à ma vie ? En quoi ma vie a-t-elle un sens dans la société où je vis ?
En formation initiale, l’approche orientante prend la forme d’une démarche concertée entre une équipe éducative et ses partenaires (parents, chambres consulaires, entreprises, syndicats, associations) dans le cadre de laquelle on fixe des objectifs et met en place des services, des outils et des activités pédagogiques visant à accompagner l’élève dans le développement de son identité, dans la construction de ses compétences et de son projet de vie (personnel, professionnel et citoyen). L’école fonctionne alors pour l’élève comme cadre d’analyse de sa situation d’apprenant, de citoyen, de consommateur et de futur producteur. L’idée générale est que tout ce qui se passe à l’école doit concourir à permettre à l’élève de faire des liens entre ce qu’il vit et apprend dans le présent, et son avenir de futur citoyen, personne en relation, producteur et créateur. S’orienter est ce vers quoi tend l’ensemble de l’effort éducatif.
La construction des compétences de l’élève est placée au centre du système scolaire à travers une pédagogie de projet. Il s’agit de construire un environnement facilitant à l’élève la prise de conscience qu’il vit dans une société et qu’il aura un jour à s’y insérer socialement et professionnellement. A cet objectif, susceptible de déclencher la motivation pour les études (principe de mobilisation), chaque discipline contribue en pointant les métiers avec lesquels elle est en lien et les compétences transversales qu’elle développe (principe d’infusion). S’y ajoutent des réflexions sur l’exploration de soi, des stages et des visites en entreprise, de l’information sur les formations, les métiers et les organisations du travail. L’implication des membres de la communauté éducative est organisée. De ce fait, l’ensemble de l’école se met en projet autour de l’élève – auteur et acteur (principe de coopération)[9].
Avec la fin de l’économie planifiée, à partir de 1975, le modèle de l’orientation « diagnostic/ pronostic », reflet de la société industrielle taylorienne, fait progressivement place, sous l’influence de la psychologie humaniste (Rogers, 1968), et des recherches de l’Ecole de Palo Alto (1972) au modèle expérientiel. En filiation avec les travaux de D. Super (1957) sur le développement de carrière, naît en 1974 au Québec un concept opérationnel : l’Activation du Développement Vocationnel et Personnel – ADVP (Pelletier, Noiseux, Bujold, 1974). Ces auteurs montrent qu’on peut rendre les personnes actives par rapport à leur développement professionnel et personnel, en leur proposant à tout niveau des expériences appropriées.
Vingt ans plus tard, d’autres besoins apparaissent : L’approche orientante naît ainsi en réponse à des besoins exprimés par la jeunesse et aux demandes faites par leurs parents[10], de la réflexion de l’ordre des conseillers et conseillères d’orientation et des psycho-éducateurs et psycho-éducatrices du Québec (OCCPPQ) relayée par celle de l’association québécoise d’information sur les enseignements et les professions (AQISEP). Elle prend source dans les travaux cités ci-dessus et dans ceux de l’américain K. Hoyt (1993) qui dit : « L’éducation à la carrière est un effort de collaboration entre le système d’éducation et l’ensemble de la communauté qui a pour but de réformer l’éducation en aidant les personnes, principalement par le biais d’activités scolaires infusées, à relier l’éducation et le travail et acquérir des habiletés générales d’employabilité nécessaires au développement de carrière, ce qui leur permettra de faire du travail – rémunéré ou non rémunéré – une partie significative de leur vie en surmontant les préjugés et les stéréotypes possibles ».
Bien soutenue par le ministère de l’Education, du Loisir et du Sport, l’approche orientante prend appui sur la réforme du système éducatif québécois par les compétences. Pour accomplir la triple mission assignée à l’école : instruire, socialiser, qualifier, le Québec [12] a en effet en l’an 2000, fait basculer la totalité de ses programmes, en commençant par l’école primaire, vers la construction des compétences dans lequel s’inscrit le domaine « orientation et entreprenariat ». Les organisations orientantes mises en œuvre pour atteindre ces buts font l’objet de recherches et d’évaluations en particulier à l’Université de Sherbrooke[13].
En formation continue, l’anticipation de l’évolution des besoins de compétences permet à un partenariat – salarié / entreprise / école – de développer l’autonomie des choix et l’employabilité de chacun et de chacune et de conforter une dynamique favorable à un développement durable et conforme aux principes de l’approche orientante[13].
L’approche orientante est également utilisée comme levier de changement dans le but d’améliorer une situation en modifiant les conditions du processus. Ainsi une expérience de transfert au secteur professionnel social a-t-elle été mise en œuvre à Montpellier (Bousquet – Marxer 2009).
L’approche orientante, comme l’apprenance, valorise des méthodes actives qui permettent aux personnes jeunes et adultes dans des conditions d’apprentissages signifiants, de créer leurs itinéraires individuels.
« Nous savons maintenant … qu’on ne se prépare pas à plus tard, mais qu’on se doit d’agir ici et maintenant en fonction d’une situation présente bien réelle qui nous sollicite et qui risque de nous révéler à nous-mêmes. Le temps vécu, le temps de l’action s’avère, de fait, de l’orientation en acte, de l’orientation effective » (Pelletier, 2001, 38). L’élève qui réussit à l’école, construit son sentiment d’efficacité personnelle, d’où émerge peu à peu une identité qui si elle est perçue autorise les choix personnels et les transactions avec autrui. Il se trouve ainsi en capacité de se mobiliser pour son avenir (Bandura, 2002). Il en va de même pour les adultes.
L’approche orientante participe de la démarche de développement du sentiment d’efficacité personnelle (Bandura, 2002) à travers des processus d’appropriation reposant sur la construction de projets expérientiels qui articulent l’approche orientante avec l’apprenance, impliquent l’apprenant qui devient acteur autonome, entrepreneur de la construction de connaissances vivantes (Harvey, Lemire, 2001). P. Carré (2006, 137) se réfère ainsi à A. Bandura : « L’auto-efficacité perçue concerne les croyances des gens dans leurs capacités à agir de façon à maîtriser les évènements qui affectent leurs existences. Les croyances d’efficacité forment selon lui le fondement de l’agentivité humaine (human agency) : « Si les gens ne pensent pas qu’ils peuvent produire les résultats qu’ils désirent par leurs actions, ils ont peu de raisons pour agir ou persévérer en face des difficultés ». L’acquisition du sentiment d’auto-efficacité s’inscrit dans une démarche d’apprentissage basée sur des expériences actives qui en développent la maîtrise.
En terme d’accompagnement et de formation continue, il s’agit donc, la plupart du temps, de partir d’une expérience personnelle (cf. SARCA). Celle-ci est porteuse d’une charge émotionnelle et d’un « formatage » intellectuel spécifique. Or il n’est pas sûr que les compétences acquises dans cette expérience vont faciliter un nouveau travail d’apprentissage a fortiori à distance. En effet, sortie de son champ ou de son contexte, une compétence ne peut se transférer que si elle est réutilisée dans un même modèle d’apprentissage (Rey, 1998). S’« il convient alors de développer la capacité des individus à transformer une série de situations et d’incidents vécus en une histoire et un projet personnel» (Touraine, 2005), il s’agit de les placer dans une situation d’élaboration d’un projet orientant qui induit la construction de nouvelles compétences en fonction d’un devenir.
Mettre la personne en situation d’entreprendre
L’entrepreunariat vu comme « le développement de compétences entrepreneuriales chez l’enfant, dont celles de s’entreprendre, d’entreprendre et de créer l’innovation de façon consciente, responsable et autonome» (Levesque, Boudreau, Langlais, 2007), est une modalité particulière de l’approche orientante. Au Québec, dès la maternelle, on trouve des écoles entrepreneuriales.
Constituant une situation authentique, l’entrepreneuriat participe à la construction de l’identité : développement de la créativité, apprentissage du travail en équipe, conduite de projet, fierté de la réalisation d’un objet. La démarche amène les professionnels de la communauté (équipe éducative, entreprises) à coopérer autour des élèves et à créer du lien social. « Les stratégies liées au projet s’installent progressivement, on fait un clin d’œil aux métiers, on y intègre mathématiques, français et éducation à la citoyenneté. Les enseignants donnent sens et consistance à leurs stratégies d’apprentissage» [14].
Les « intelligences multiples » (Gardner, 1996) propres à chaque personne, sont des construits dans lesquels chaque nouvelle information perçue fait l’objet d’un processus assimilation – accommodation, et où les pairs (classes, écoles) et la famille, fonctionnent comme ressources ou contraintes. L’expérience est au cœur de la construction de ce processus. Mais une expérience ne prend sens et n’est formative que dans un cadre d’analyse. Toute notre perception et le traitement de l’expérience sont orientés par un contexte d’utilité ou système d’utilité individuelle. C’est le cadre d’analyse qui structure la perception et permet de poser une problématique sans laquelle il n’y a pas de solution.
Dans le modèle déterministe, le sujet était enfermé dans un profil. Son orientation comme ses apprentissages, lui sont dictés par l’extérieur, il attend qu’on lui fournisse la « bonne solution ». Avec l’apprenance comme avec l’approche orientante, c’est un cadre d’analyse, un environnement facilitant, qui lui sont proposés. On l’accompagne le temps nécessaire pour qu’il pose dans des situations authentiques, les « bonnes questions » qui lui permettront de trouver une ou des solution(s) contingente(s).
La phase essentielle de toute stratégie d’accompagnement d’une activité autonome inévitablement inscrite dans la durée repose sur le traitement des informations. Or, elle est d’autant plus pertinente qu’elle répond à la conscience d’un besoin. Pour cela il faut, en amont, faire émerger ce besoin chez la personne. C’est la rencontre entre l’objet de l’information et le sujet qui génère, dans un espace symbolique et social, du questionnement. Ce questionnement producteur de sens permet la reconfiguration des représentations dans la mémoire, structurée telle un hypertexte. C’est la phase essentielle de toute stratégie d’accompagnement d’une activité autonome inévitablement inscrite dans la durée. Accompagner le processus d’information pour l’orientation c’est amener la personne à se poser les questions pertinentes mais aussi à développer les compétences nécessaires à son auto-efficacité. C’est créer les conditions d’appropriation d’une stratégie pour lui permettre de reconfigurer efficacement ses représentations. Le processus d’information doit alors se concevoir dans la durée (Quiesse-Ferré-Rufino, 2008).
Dans cette perspective, le logiciel quebecquois « Repères.qc.ca »[15] est un exemple intéressant. C’est un ensemble de ressources d’aide au choix coordonnées et centralisées par le biais de partenariat. C’est un outil virtuel, personnalisé et interactif qui permet une navigation transversale et déclenche une mobilisation, suscite l’intérêt, la curiosité et l’action. C’est aussi un outil d’exploration de l’information qui offre un webfolio[16] autorisant des réajustements permanents, la construction de bilans et de projections (Quiesse 2008). L’expérimentation actuelle du webclasseur Onisep (passeport numérique pour l’orientation) et la mise en place d’une plate forme nationale de réponse aux questions paraissent aller dans le sens du développement d’une information orientante. (Quiesse 2009)[17]
Le principe de l’infusion demande à l’enseignant ou au formateur d’intégrer au contenu de son cours des références à la carrière et au monde du travail (Pelletier, 2004). Il s’agit donc a minima de saisir toutes les occasions données par le cours pour mettre l’apprenant en appétit, en recherche, et en analyse au regard des métiers et des environnements. La discipline ainsi « infusée » passant du statut d’objet de connaissance à celui d’objet d’action, prend un sens nouveau du fait des liens qu’elle manifeste avec les activités professionnelles et sociales.
L’effet sur les apprenants se trouve démultiplié si, porteurs de valeurs partagées, plusieurs enseignants, éventuellement en relation avec un conseiller d’orientation, agissent simultanément, c’est-à-dire coopèrent dans un sens défini en commun. Il se produit alors ce qu’on appelle « un effet établissement ». La démarche prend encore plus de sens pour l’enfant si sont associés à l’action ses parents et les partenaires de l’école (Gingras, in Pelletier, 2004, 48) et (Ferré, avril 2002).
Depuis 2005, la connaissance active de l’entreprise a fait son entrée officielle dans le système éducatif avec la Découverte professionnelle[18] (option 3h et module 6h), avec cette fois un horaire à l’emploi du temps, un programme fondé sur l’ acquisition de compétences, des modalités d’évaluation, et l’intervention d’équipes pluridisciplinaires, un pas très net est franchi (Crindal, Ouvrier-Bonnaz, 2006). La mise en place des PDMF[19] à la rentrée 2009 crée une nouvelle mesure généralisée, mais sans moyens particuliers.
Au Québec, où le renversement démographique se fait sentir depuis plusieurs années déjà, les pouvoirs publics pour enrayer la désertion des régions et des secteurs porteurs d’emplois empêchant alors le renouvellement de la population active, ont largement engagé ce type de démarche. A titre d’exemple, citons l’outil Cursus, l’école , l’économie et moi (Maurais, 2004) dont les objectifs sont de créer du lien entre les enseignements et leur utilité future dans le monde du travail.
L’apprenant, qui construit ses savoirs et ses compétences, est aussi celui qui prend en main son parcours. Il se trouve en capacité de se porter candidat pour les formations de son choix. « Ce n’est pas une approche qui fait en sorte que l’école décide ou choisisse à la place du jeune. Au contraire, on considère que l’élève est responsable de son cheminement de carrière, et qu’il doit être mieux préparé et aidé à prendre des décisions scolaires et professionnelles qui lui conviennent dans le but de favoriser son insertion future sur le marché du travail et son adaptation dans sa carrière » (Dupont, 2001).
C’est aux professeurs qu’il revient en effet de créer l’environnement pédagoqique orientant, piloter les actions pour qu’elles participent de la construction du parcours de l’élève. Il leur faut aussi accepter que les parents jouent un rôle dans le processus. Pour le professionnel, coopérer, c’est mettre à disposition d’élèves des ressources et un savoir-faire (temps, matériel..), dans le cadre d’un projet (visite, intervention, stage) négocié avec les éducateurs, qui va concourir à l’information de l’élève. C’est offrir des occasions « d’expériences authentiques » introuvables sinon.
Compte tenu de ce qui précède, l’approche orientante est donc de nature à amener les jeunes à se trouver sur des projets cohérents et à établir un nouveau lien social entre l’école et la famille à travers les enfants.
5/ MOBILISER LA PERSONNE A TRAVERS LE PROJET PERSONNEL ORIENTANT
Si, quels que soient l’origine ou le niveau initial, l’accès permanent à l’apprentissage tout au long de la vie tient une place si importante dans cette époque « hypermoderne» (Lipovetsky, 2004) dont l’orientation permanente est le lot alors, il nous apparaît qu’il convient de garantir pour chacune et chacun l’accès facile à ce service, mais surtout l’intégrer dans un projet personnel orientant. En effet, partie prenante d’un processus orientant, la formation prend alors tout son sens pour la personne.
Un système vivant se caractérise par son projet. Etre en vie c’est être en projet mais cela ne veut pas dire en projet d’apprendre ou en projet de s’orienter. Mobiliser la personne si elle ne l’est pas, est donc la première mission de l’accompagnateur.
Pour cela, le réflexe consiste souvent à interroger la personne, chercher sa « motivation » : quels sont ses goûts, ses intérêts, « quel métier veut-elle faire ? », « en quoi pense-t’elle être utile à la société ? ». Or justement, elle n’en a pas ou ne sait pas et a sans doute de bonnes raisons pour cela.
Avec l’approche orientante on va chercher à la « mobiliser » ici et maintenant dans le temps présent de la classe et de l’école, du stage ou de l’entreprise, c’est- à -dire à la mettre en situation d’agir et de réussir vraiment des projets personnels et collectifs, à travers lesquels elle va acquérir progressivement une méthode, des compétences et le sentiment d’être efficace dans ce domaine.
Ces approches ont été développées lors de quatre recherches -actions que nous avons menées depuis 1996 dans l’académie de Montpellier.
Ainsi la recherche action du lycée René Gosse (Clermont L’Hérault)[20] est-elle un exemple d’articulation entre projet personnel de l’élève et projets éducatifs emboîtés jusqu’à la tête de l’établissement. Au-delà du champ de l’orientation les effets ont été très positifs en termes d’accès à l’autonomie des élèves, de mobilisation, de transformation de l’ambiance de vie, d’amélioration de la relation entre les adultes et les jeunes, l’établissement et son milieu, mais aussi de résultats scolaires.
La recherche-action du lycée professionnel Méditerranée (2001-2002) portait pour les acteurs, sur l’acquisition d’habiletés à créer du lien et du sens entre les enseignements, les disciplines et les emplois en faisant appel aux capacités de projection des élèves et des équipes et en s’appuyant sur une nouvelle gestion des informations. Son évaluation[21] montre qu’elle a modifié les comportements des élèves au regard des savoirs à acquérir, ceux de la vie dans l’établissement et la conception de l’orientation. « Les stages ont changé les élèves, ils s’impliquent dans la recherche documentaire et des actions telle la journée « porte ouverte ». Et du côté de l’enseignant on déclare « j’appréhende les élèves avec un autre regard, je les vois en tant qu’individu avec un projet personnel et non plus seulement comme élève ». Alors qu’ils étaient considérés comme « orientés », les lycéens de seconde professionnelle ont simplement été autorisés à effectuer un stage de 3 jours dans le secteur d’activité de leur choix, quel que soit le degré de proximité de ce secteur d’activité avec leur formation du moment. Cette expérience a permis à la plupart des élèves de conforter leur situation au lycée dans la voie suivie, à quelques autres d’élaborer des stratégies divergentes précises pour l’ « après-BEP» et enfin à quelques-uns, très rares, de se réorienter immédiatement.
La recherche-action au collège des Garrigues, elle a permis aux professeurs de mathématiques de 3éme, de reconsidérer la notion de transfert. Ils ont ainsi pris conscience qu’une notion acquise dans le cadre de la discipline ne générait pas « naturellement » une compétence utile dans un autre contexte. Le chemin n’étant pas fait par les élèves, ils ont alors imaginé l’accompagnement pédagogique nécessaire pour les mettre en situation d’y parvenir.
Enfin, l’opération « A la découverte des sciences informatiques » a mobilisé 98 élèves et 140 personnes autour d’un projet authentique, visant à connaître et à faire connaître à un public un métier des sciences informatiques, au service de l’art, de la formation, de l’éducation, de l’environnement, de la gestion, du management, des lettres, de la recherche, de la santé, des sciences, du sport, des jeux ou de tout autre domaine de l’activité humaine. Il s’est agi de mettre en oeuvre les principes de l’approche orientante c’est-à-dire : mobiliser les élèves sur des projets concrets, leur donner l’occasion de coopérer entre eux et avec des adultes pour agir et produire, les amener à faire des liens entre les disciplines qu’ils étudient, des métiers et leur orientation[22].
Pour une approche orientante tout au long de la vie
L’apprenance apparaît comme indissociable de l’approche orientante en ce sens que l’interaction entre l’acquisition de savoirs et de compétences sont intimement liées à travers la notion de projet. Elles ‘influent mutuellement l’une et l’autre, tant le développement de l’intelligence humaine, adaptation et transformation, se nourrit de ce processus. En toile de fond du « savoir devenir » se situe l’élaboration d’un nécessaire développement de projets et de démarches personnelles adaptées aux techniques actuelles d’acquisition des savoirs issues de la société de l’information.
Tout petit, l’enfant a des goûts et des intérêts. Tout petit, l’enfant est en interaction avec ses pairs et les adultes. Tout petit l’enfant fait des projets (Étienne, Baldy & Benedetto, 1992). Il est curieux de son milieu et susceptible d’entreprendre et d’agir. Les principes de l’approche orientante dans un contexte d’apprentissage tout au long de la vie et d’orientation continue s’appliquent donc dès l’entrée à l’école maternelle. De nombreux professeurs d’école le savent bien qui sous diverses formes font travailler leurs élèves par projets (environnement, santé, citoyenneté …mais aussi lecture, écriture, sciences, mathématiques, découverte du monde).
Ces démarches ne sauraient s’arrêter à la porte des collèges ou des lycées, encore moins à celle des entreprises. Bien au contraire elles sont la condition même de la réussite.
Montpellier
13 juillet 2009
AUTEURS
FERRE Danielle, présidente de l’association apprendre et s’orienter (www.apprendreetsorienter.org), conseillère d’orientation-psychologue à l’université, chargée de mission académique pour l’éducation à l’orientation, formatrice.
QUIESSE Jean-Marie, Délégué régional adjoint de l’Onisep, psychologue, conseiller d’orientation, formateur et éditeur.
Nous remercions pour sa lecture attentive et ses précieux conseils : Monsieur Richard Etienne, Maître de conférences en sciences de l’éducation à l’Université Paul Valéry de Montpellier.
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NOTES
[1] Bandura A. (2002)
[2] Sept formes d’intelligence : verbale, logico-mathématique, spatiale, musicale, corporelle et kinesthésique, interpersonnelle, intrapersonnelle
[3] http://www.consilium.europa.eu Mieux inclure l’orientation tout au long de la vie dans les stratégies de formation et d’éducation tout au long de la vie.
[4] Tout comme la santé, la culture et la qualité de l’environnement
[5] CSA-JOC, 2006, enquête réalisée auprès de 31206 jeunes de 16 à 30 ans, L’Express du 06/07/06
[6] Deux origines : H. Bouchet, responsable UCI-FO et membre du Conseil économique et social (1998) – H. Trocmé-Fabre (1999)
[7] L’affectif, c’est aimer apprendre, le cognitif : savoir apprendre, le conatif : avoir un engagement pour apprendre (Audition de P. Carré au Comité de l’éducation et de la formation tout au long de la vie. Paris 30 01 06.)
[8] Cet événement, auquel participent 15 personnalités québécoises du monde de l’information et de l’orientation est l’occasion de la sortie d’un ouvrage « Pour une approche orientante de l’école française» qui interroge pour la première fois le système éducatif français et l’orientation au regard des concepts d’infusion, coopération, mobilisation, entrepreunariat. D’autres pays ou régions d’Europe (Province de Taranto en Italie) soit s’intéressent à contextualiser l’approche orientante soit développent des concepts voisins (Galice en Espagne).
[9] Pour des exemples de mise en œuvre, voir la partie 6.
[10] Sommet du Québec et de la jeunesse, 2000.
[11] Le Québec dispose d’une large autonomie à l’intérieur du Canada, en particulier au niveau de l’éducation.
[12] Sous la direction de Mme Marcelle Gingras, Ph.D. secteur orientation professionnelle
[13] Les Services d’accueil, de référence, de conseil et d’accompagnement (SARCA) du Québec optimisent les conditions d’apprentissage par la valorisation du public, la reconnaissance de ses acquis pour le rendre acteur de sa formation. www.cspo.qc.ca/sarca.htm.
[14] Entrepreunariat-études…un concept nouveau, des aventures prometteuses ! – Morin D., conférence prononcée lors du 4éme colloque sur l’approche orientante. Québec, 17 mars 2005.
[15] Repères.qc.ca est développé par la société GRICS.
[16] Cahiers pédagogiques n°463
[17] Symposium de Dijon et séminaire de Montpellier sur l’approche orientante Etienne-Ferré-Leclerc-Quiesse (juin 2009)
[18] Bulletin Officiel n°11 du 17 mars 2005
[19] Parcours de découverte des métiers et des formations , circulaire n°2008-092 du 11 juillet 2008
[20] Cette recherche-action a donné naissance à la méthode d’orientation active Orientation-lycée (2000) L’Harmattan .
[21] Evaluation réalisée par Roland Louis Ph.D de l’Université de Sherbrooke, www.ac-montpellier.fr/orientation (Centre de ressources pour l’éducation à l’orientation)
[22] /www.ac-montpellier.fr/sections/orientation/preparer-orientation/preparer-orientation/orientation-se-construit/ao6-aosci-concours
« Pensée positive », avez-vous dit ?
La pensée positive est à la mode : économie positive, parentalité positive, orientation positive… et représente une entreprise très lucrative pour ses gourous, notamment philosophes. Telle n’est pas l’intention de l’auteure, Rébecca Shankland, maîtresse de conférences en psychologie à l’Université P. Mendés-France de Grenoble, puisqu’il s’agit de nous livrer un ouvrage d’initiation à la psychologie positive, bien documenté et avec un esprit critique.
En effet, des préjugés sur la psychologie positive persistent : parfois confondue avec une méthode de développement personnel, la psychologie positive nierait les problèmes de la vie réelle ou bien serait une méthode d’autosuggestion (on pense à la fameuse « méthode Coué ») ou pire encore, favoriserait le bonheur égoïste.
La psychologie positive n’est pas une nouvelle discipline mais a pour visée une meilleure connaissance de l’individu ordinaire et des conditions favorables à son développement et à son épanouissement. Cette « science du bonheur » qui n’est pas nouvelle en soi, a pour objectif le fonctionnement « optimal » et non « maximum » de l’être humain. Comment passer de l’impuissance acquise à l’optimisme appris ?
Au plan historique, les apports viennent du courant de la promotion de la santé, des recherches sur le développement post-traumatique et les facteurs de résilience, des théories de l’attachement et du bien-être ainsi que des travaux de la psychologie sociale sur les comportements sociaux ; plus récemment, on peut y ajouter la psychologie clinique et les thérapies comportementales et cognitives (TCC) de même que les pratiques psychocorporelles et les orientations philosophiques de la « pleine conscience ».
Au plan théorique et méthodologique, un modèle de santé mentale positive semble s’imposer. Il ne s’agit plus de se centrer sur la compréhension des maladies pour traiter des troubles ou des pathologies mais de se centrer sur la personne en visant son épanouissement, en prenant en compte, par exemple, les facteurs de risque et les facteurs de protection. A côté des méthodes de recherche classiques (méthodologie quantitative et expérimentale) apparaissent de nouvelles méthodes permettant d’avoir un impact sur la qualité de vie.
Une science du bien-être est-elle possible ? Le processus d’adaptation est compris comme un ajustement entre les besoins personnels et les demandes des autres membres de la société. Les stratégies de coping, le rôle des émotions sur la résolution de problèmes sont étudiées en référence au bien-être subjectif.
Quels sont les déterminants du bien-être psychologique ? La réponse à cette question donne lieu à des développements sur la place du plaisir, de rôle de l’engagement, l’expérience du flow (expérience optimale), la recherche du sens, les dimensions affective, cognitive et comportementale.
Il n’est pas démontré qu’en toute circonstance, l’argent fasse le bonheur des individus.
L’avant dernier chapitre (V) aborde les dispositions positives : l’optimisme, l’espoir, la gratitude, le don, le pardon et plus généralement l’altruisme qui participe d’une « orientation reconnaissante ». La résilience, au sens de capacité à amortir les chocs, est la variable psychologique la plus discutée, car elle peut donner lieu à des usages idéologiques justifiant la violence d’une société ultra-compétitive. Pourquoi faudrait-il qu’une société démocratique se plie aux exigences du marché mondial ?
On le voit, « les travaux de psychologie positive semblent montrer que le développement des potentialités nécessite du temps et des exercices spécifiques réguliers. Il serait donc utile que les professionnels de l’éducation, de la santé et de l’accompagnement se penchent sur ces pratiques. »
Le travail éducatif dans le domaine de l’orientation ne peut pas tout. En effet, l’orientation générale de notre société de consommation est matérialiste. Par exemple, à l’âge de 21 ans, un adulte ayant pris l’habitude de regarder la télévision, aura pu voir environ un million de publicités, ceci générant un sentiment de frustration et de manque. En effet, la comparaison de sa richesse avec celle des autres est dommageable pour le bonheur.
Le dernier chapitre consacré à la psychologie positive appliquée évoque la théorie de l’intelligence émotionnelle et s’interroge sur les couples heureux. Tout n’est pas qu’affaire d’interactions sociales. Il existe des institutions positives qui rendent possibles le bien-être au travail et l’éducation positive à l’école, par l’introduction progressive au siècle dernier, des pédagogies nouvelles dites « actives ».
L’exposé sur la psychothérapie positive renvoie à des interventions validées et à des méthodes testées comme, par exemple, l’échelle d’orientation vers le bonheur ou l’échelle de satisfaction de la vie. L’auteur considère que « les outils psychotechniques sont une aide au diagnostic, à l’accompagnement et à la standardisation des recherches ».
Nous avons dans le Tome 3 de S’Orienter dans la vie : un pari éducatif ? (Septentrion, 2017) consacré plusieurs articles à la pensée positive en y introduisant des éléments critiques (Bien-être ; Bonheur ; Energie ; Joie ; Résilience ; Sagesse ; Sens de la vie…)
Francis Danvers- Mai 2017
Rebecca Shankland – La psychologie positive, Dunod 2017
Jean-Marie QUIESSE a coordonné cet ouvrage; il est délégué régional adjoint de l’Onisep et formateur.
Danielle FERRÉ est conseillère d’orientation psychologue et formatrice. Elle est auteur de la méthode d’orientation active Orientation-Lycée à l’usage des lycéennes et des lycéens
Christine GAUTRON est responsable pédagogique dans un centre de formation du secteur social.
Annie MARXER est psychologue-consultante pour les entreprises au sein de son cabinet en orientation professionnelle et ressources humaines, à Montpellier.
Une page de références utiles pour l’accompagnement en orientation
Une page de références utiles pour l’accompagnement de la carrière
Par Francis DANVERS
L’Association des professeurs d’économie et gestion (APEG) a tenu ses journées pédagogiques à l’Ecole nationale de commerce de Paris, les 4 et 5 février 2016.
Le thème choisi portait sur la responsabilité dans les organisations et les pratiques pédagogiques. Nous sommes intervenu sur la responsabilité éducative notamment dans le domaine de l’orientation scolaire et professionnelle des lycéens en participant à deux ateliers sur la situation d’élèves en filières STMG (Sciences et techniques du management et de la gestion) et ST2S (Sciences et technologies de la santé et du social) en utilisant la méthode du sosie pour croiser les regards sur les pronostics d’orientation des conseils de classe.
En dehors de notre apport à la table ronde sur l’histoire et les enjeux de l’orientation des jeunes des années 2000, nous avons entendu :
La co-animation de ces journées d’études pédagogiques par Philippe Bonot, président de l’APEG et Christine Fauveau Gautard, vice-présidente, a été stimulé par une rencontre avec les auteurs d’ouvrages théoriques et méthodologiques propres aux disciplines évoquées et par la présentation du n° 128 des Cahiers d’économie et gestion, (Décembre 2015/février 2016) consacré à « l’intelligence collective » dans l’esprit d’une approche orientante exprimée de la manière suivante : « Comment faire en sorte que nos élèves de lycées s’approprient une connaissance du monde économique et professionnel en relation avec leurs projets d’avenir ? ».
Mon sentiment est que ces journées sont à l’honneur de ces enseignants, tous motivés, volontaires, passionnés par leur métier, et l’amour de leur discipline, respectueux de leurs élèves et de leurs familles et préoccupés comme eux, des incertitudes de l’avenir. Curieusement, il n’y avait pas de caméras, ni de journalistes, ni d’inspecteurs ou de Ministre de l’Education nationale. Des enseignants qui font admirablement leur travail, ne font pas d’histoire et en plus, ils donnent l’impression d’être chaleureux et heureux dans leur vie professionnelle et personnelle. Cherchez l’erreur…et n’en dites mot !
Francis Danvers février 2016
ANNALES du mouvement français d’orientation des jeunes et des adultes des origines (1762) à nos jours (2015). Extrait…
Danvers, Francis, S’orienter dans la vie (tome 1, 2009) ; (tome 2, 2012) ; Tome 3, à paraître). Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion.
Il nous livre ici les annales cinq années de mesures propres à accompagner l’orientation.