Pourquoi réformer ? Ecole, de quelle modernisation avons-nous besoin ?
Pierre Laderrière, expert OCDE au congrès de l’association – synthèse JM Quiesse –
Pierre Laderrière est un des meilleurs experts mondiaux dans le domaine de l’évaluation des systèmes éducatifs. L’étude de leurs évolutions et celle des conditions du changement le passionnent, particulièrement lorsqu’il s’agit du fonctionnement des leviers politiques et institutionnels.
Ce 14 juin, pour le congrès annuel d’apprendre et s’orienter, il a exploré pour nous le sujet de la réforme, mot hautement à la mode depuis quelques années. A la suite du Canada, du Royaume Uni, de la Suède et des Pays Bas, le programme de révision générale des politiques publiques (RGPP) atteint aujourd’hui la France. La réforme dans de nombreux domaines y apparaît urgente mais complexe compte tenu du contexte de crise économique aigue. Des tendances lourdes et structurelles de la société (multiplication des institutions rivales, centralisation excessive, superposition de pouvoirs décisionnels au sein de l’éducation et de la formation, orientations stratégiques divergentes…) freinent également les processus. Mais le fait le plus grave à ses yeux est le très faible taux de confiance des citoyens envers leurs institutions. Enfin le style communicationnel du régime présidentiel heurte beaucoup de sensibilités et sont considérés comme superficiels.
Pour le ministère de l’éducation, l’université et la recherche, l’introduction d’un esprit qualifié de « gestionnaire » fait passer au second plan ce qui semble fondamental, à savoir les aspects politiques, culturels, scientifiques et idéologiques. Les débats autour de l’évaluation illustrent assez bien ce dilemme. L’approche systémique de ces organisations humaines semble abandonnée, les propositions de changement avancées par les chercheurs sont « tombées à l’eau » (F. Dubet), et l’approche simpliste semble alors prédominer. Pierre Laderrière a également brossé un tableau très complet de la réforme universitaire (LRU) qui inscrit la France dans le processus de Bologne, a évoqué les mesures tendant à faire intégrer dans les classes préparatoires aux grandes écoles des publics nouveaux.
Si l’enseignement supérieur est amené (concurrence et échanges exigent) à s’intéresser à la comparaison européenne et mondiale, l’enseignement scolaire paraît tout à fait en dehors de cette préoccupation. Ainsi le concept européen « d’éducation tout au long de la vie pour tous » réapparaît régulièrement mais ne parvient pas à se mettre en place. Dans le même ordre d’idée, les bons sentiments abondent pour donner une égale position à l’enseignement général et à l’enseignement professionnel, mais la France, à son avis, traite ce sujet de façon désastreuse.
Pour Pierre Laderrière les leviers du Socle de compétence, du développement de ressources éducatives numériques, de l’assouplissement de la carte scolaire sont une bonne entrée en matière de réforme. Mais c’est en général la gestion des ressources humaines qui permet de faire évoluer les institutions scolaires et dans le cas de l’éducation nationale on ne peut se contenter de la seule mesure de suppression de postes.
Jean-Marie Quiesse 12 octobre 2009